Dès la fondation du Laboratoire de Psychologie de l'Université de Poitiers, en 1955, Gilbert Simondon y conduit des recherches dont l'une porte sur l'éblouissement. Les résultats de cette recherche le conduisent à proposer un prototype de phares non éblouissants, qu'il prépare avec l'aide de son collaborateur technique, M. Hardouin-Duparc.
Les prototypes vont évoluer, mais le principe de ces phares reste le même: il s'agit de prendre les deux voitures en croisement comme un ensemble, et de faire que chaque voiture éclaire la plage sombre de l'autre, tout en diminuant l'éblouissement par chaque projecteur en augmentant sa surface. Pour cela les projecteurs seront équipés de miroirs paraboliques qui permettent de diffuser la lumière autrement.
Monsieur Jean-Paul Charret, ex-Directeur Recherche et développement chez Valeo, a examiné les documents conservés (schémas, explications du principe, rapports au CNRS). Voici ses commentaires:
TRAVAUX SUR L'ÉCLAIRAGE AUTOMOBILE DE GILBERT SIMONDON
par Jean-Paul Charret
"Dès le début des années 1960, Gilbert Simondon s’est intéressé aux problèmes de sécurité dans le transport automobile, et particulièrement à l’éclairage automobile. Ce domaine ne motivait pas énormément de personnes à l’époque. La vitesse, la tenue de route, l’amélioration des routes, le freinage, la ceinture de sécurité dominaient les recherches. Prenant conscience que la majorité des accidents mortels se produisent de nuit, il fut amené à travailler sur cet aspect de la sécurité.
Rapidement il fit le constat que le problème ne venait pas d’un manque d’éclairage avec un faisceau route, mais de deux phénomènes : l’éblouissement venant de véhicules opposés et/ou d’un trou noir existant lors du passage d’un faisceau route à un faisceau code. Il eut l’idée, originale pour l’époque, de travailler à l’addition de lumière au-dessus de la coupure du faisceau code sans éblouir. Idée semblant contre-intuitive à priori. S’appuyant sur la loi physique que l’intensité lumineuse est le produit de la luminance par la surface éclairante, et que l’éblouissement vient d’un excès de luminance, il eut l’idée d’augmenter fortement la surface éclairante pour obtenir le même niveau d’intensité lumineuse, ce qui allait à l’opposé des tendances de l’époque. L’intensité lumineuse seule représentant la performance d’un projecteur sur la route. D’où la conception innovante de projecteurs empruntant toute la largeur du véhicule au-dessus du pare-chocs.
Gilbert Simondon travailla alors à identifier des solutions techniques illustrées sur les schémas ci-dessous et les mit en œuvre avec des réalisations de prototypes pour illustrer concrètement ses idées et montrer leur faisabilité.
Pour vérifier ses concepts, il imagina des procédures de test ainsi que les matériels permettant de les réaliser. Des analyses physiologiques perceptives avec examen de la visibilité dans différentes conditions ont également été menées, avec détermination du rapport maximum entre plages sous-éclairées et plages sur-éclairées compatibles avec une perception correcte d’objet
Les résultats ont montré l’intérêt de tels dispositifs, l’aspect réglementaire restant probablement l’un des obstacles principaux, accentué par une internationalisation d’abord européenne, mais ensuite mondiale avec des normes établies par un groupe de travail au niveau de l’ONU. D’autres obstacles comme le design du véhicule, ainsi que l’encombrement sur la face avant du véhicule que l’on sait important pour le refroidissement du moteur ainsi que pour la pénétration dans l’air, argument fondamental pour la réduction de consommation.
Ci-dessous quelques exemples de ces idées qui ont conduit à des prototypes :
Si aucune de ces réalisations n’a vu le jour en série, principalement en raison des difficultés mentionnées ci-dessus, il est remarquable de voir que par la suite, les progrès de l’éclairage automobile ont démontré le côté visionnaire de Gilbert Simondon, ses préoccupations originelles ayant pris davantage d’importance. Elles ont été reprises sur les véhicules dès les années 2000, avec le développement des technologies et particulièrement de la technologie dite ADB (Adaptive Drive Beam), puis dans les années 2010, dans les technologies MATRIX avec l’addition d’une caméra sur l’avant du véhicule et l’implémentation de réseaux de LEDs permettant d’obtenir un faisceau route non éblouissant, en découpant une fenêtre obscure dans ce faisceau route sur le ou les véhicules venant en face.
On peut rendre hommage au côté créatif de Gilbert Simondon, n’ayant pas hésité à explorer dès la fin des années 1960 l’utilisation de nouvelles sources comme le Xénon ou des sources électroluminescentes, ainsi que des concepts comme les passages automatiques code route et vice versa améliorant grandement la sécurité."
AUTRES DOCUMENTS D'ARCHIVES SUR LES PHARES